Avec Mathieu Scapin


Pas besoin d’entrer dans un musée pour rentrer dans l’Histoire. Elle ne réside pas confortablement logée entre quatre murs, elle résiste à l’extérieur, quotidiennement, et continue de battre le pavé de sa mémoire, comme au temps où les sabots des chevaux foulaient le sol dans de grands nuages de poussières, anecdotiques mais éprouvants pour les passants et les chalands. À la base, une nécropole chrétienne qui s’étendait concentrique autour de la tombe de Saturnin, premier évêque de Toulouse, attaché à un taureau et traîné le long de l’actuelle rue du Taur, qui prit donc le nom de la bête. Puis avant l’actuel bâtiment qui abrite désormais le musée Saint-Raymond, il y eut un hôpital pour les pauvres et les pèlerins rejoignant Saint-Jacques-de-Compostelle par la via Tolosa. Enfin, un collège universitaire, le collège Saint-Raymond, réservé aux étudiants pauvres de l’Université de Toulouse. S’il fut mis à feu et à cendre pendant le bien connu et bien regrettable Grand Incendie de 1463 qui dévora les trois-quarts de la ville, il fut reconstruit, tel qu’on le connaît aujourd’hui, en 1523 et resta un bâtiment universitaire jusqu’à la Révolution française. Son activité muséale ne commença qu’en 1892 où il fut déclaré musée d’art décoratif ancien et exotique. Aujourd’hui, il est le musée archéologique de la ville de Toulouse, garant d’une collection d’exception issue en partie de la villa romaine de Chiragan et plus largement avec des pièces allant de la protohistoire au Moyen Âge. J’ai bien sûr nommé Le Musée Saint-Raymond. Et pour en parler avec moi ce midi Mathieu Scapin, assistant de direction et médiateur culturel.


En aval de la confluence du Salat et de la Garonne, sur une plaine alluviale appartenant sous l’antiquité à la province de la Narbonnaise dans l’ancienne, se dressait une villa dont il ne reste rien – mais rien c’est mentir puisque si les murs sont tombés, on expose aujourd’hui dans le musée Saint-Raymond, sa collection impressionnante de bustes romains. Il faut les imaginer, ces effigies d’empereurs qui furent dans leur prime jeunesse vêtues du flambeau des couleurs les plus chatoyantes, nichées sur des piédestaux le long des couloirs et sous les portiques. Directement importées depuis Rome, incarnant la richesse de leurs hôtes et trahissant des familiarités plus ou moins formelles avec les dirigeants, il n’est que ses bustes pour témoigner en silence de ce que fut la villa de Chiragan sur l’actuelle commune de Martre Tolosane. Alors si ça, ça ne vaut pas un selfie avec Auguste ou Tibère, allez comprendre ! 


– Alice Baylac
dans La Midinale, saison 2021-2022.