Outre l’élection de Pauline Marois à la gouvernance du Québec, l’année 2012 avait vu également l’effervescence et l’émergence d’une nouvelle scène hiphop newyorkaise avide de reconnaissance à échelle mondiale. Le bougre de Peter Rosenberg ne s’y était d’ailleurs pas trompé et compilait l’année suivante l’ensemble de la troupe sur sa « New-York Renaissance », énième porte étendard d’une nouvelle génération aux noms tous aussi improbables. Action Bronson, Pro Era, Asap Mob, Smoke DZA ou encore Flatbush Zombies comme autant de figures de proues du « rapjeu » local alors encore partagé entre conservatisme ambiant et mixité contemporaine. Mais alors que certains signaient déjà des contrats à sept chiffres avec les pontes de l’industrie, nos revenants sous THC, eux, naviguaient toujours dans les eaux troubles du circuit souterrain à grand coup de mixtapes en self release et autre Ep collaboratif. Quid alors de la valeur de ce premier opus quasiment trois ans après la sortie de leur dernier projet en date, autant dire une éternité à l’échelle de l’internet ?
Toujours savamment orchestré par Erik the Architect, la formule ne déboussolera pas les fanatiques des premières heures. Oscillant toujours gentiment entre tendances actuelles et inspirations plus conventionnelles, le tout a le mérite de renifler le bon gout sans forcément changer la face du genre. On pourrait également avoir le même constat mitigé sur les thématiques abordées par nos rappeurs à la main verte toujours entre egotrip fumeux et prise massive de psychotropes en tout genre. On mesurera tout de même notre constat avec notamment le dernier titre de l’album abordant le thème de l’inégalité, thème au combien crucial dans cette Amérique toujours en proie à ses vieux démons et aux portes d’une élection présidentielle obscure…Mais bien plus que la recherche de l’introspection ultime, le véritable intérêt se situe peut être encore et toujours dans les personnalités tenaces des protagonistes. Le trio façonne en effet depuis quelques années maintenant, à l’image de leurs homologues du passé, un certain sens du concept. Meechy Darko une fois de plus endosse le personnage du bouffon extravagant ersatz d’ODB, Zombie Juice dans celui du punch liner hors pair avide du bon mot et Erick dans le rôle du mastermind, producteur et artisan sonore. Un scénario rodé qui fonctionne certes au grès de certains couplets, mais qui sur la longueur d’un album s’essouffle tout de même… Cette « Odyssey » loin d’être désagréable manque furieusement d’une étincelle pour réellement déclencher l’émoi. Certains parleront de tube ou de refrain accrocheur, on parlera ici plus facilement d’excentricités sonores et de cohérence verbale pouvant potentiellement donner du répondant à leur extravagante image.
Au final, constat mitigé sur ce premier long effort. Nos « lords » de Flatbush achèvent ici un travail cohérent et bien ficelé qui ravira sans mal les amateurs mais qui comme certains de leurs homologues New-Yorkais, essuient les plâtres d’un manque flagrant de réinvention d’eux même. La révolution musicale et psychique promise n’est peut-être pas là mais ce premier album n’est non plus pas dénué de qualité. Tout reste à prouver…
Florent Jourde
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