Cecil Mc Bee : Mutima (strata east 1974)

          La pochette de ce disque laisse facilement présager du contenu. Sobre noir et blanc et esthétique minimaliste. Au dos, quelques photos de musiciens noir que l’on peut aisément dater des années 70… 1974 exactement. On constate aussi des références à la culture d’Afrique noire, le cosmos, l’univers… sont cités comme influences Yussef Lateef, Pharoah sanders, Charles Loyd, Lonnie Smith, on s’étonne presque de ne pas voir figurer Sun Ra. La 1ère plage (11 mn) laisse entendre uniquement 2 contrebasses jouées à l’archet. Ensuite, chose surprenante, c’est la célèbre Dee Dee Bridgewater qui chante dans un esprit envoûtant et incantatoire (un style bien lointain de ses productions actuelles  »saveur foie gras »). Et ça continue comme ça sur toute la 1ère face, du jazz résolument sans concession, dépourvu d’agression auditive mais pas forcement idéal pour un drink entre amis. Au moment de changer de face, on se demande si le non initié ne risque pas de se lasser de ce jazz quelque peu à rebrousse poil. Erreur, la 2ème partie est nettement plus accessible, on retrouve de belles compositions ou le jeu très percutant amène une couleur résolument afro.La contrebasse du leader Cecil Mc Bee, très chantante et bien présente ne sur-joue pas. Chaque soliste s’exprime de façon inspiré sur de longues plages où plane un esprit soul dans la plus pure tradition des productions Impulse d’Alice Coltrane, Pharoah Sanders où encore Archie Shepp. Pas moins de 13 musiciens interviennent sur cet enregistrement où une large place est faite aux percus sans oublier les incontournables flûte, sax, trompette, batterie, basse et Fender Rhodes. Au final, un disque qui propose ce que le jazz actuel semble avoir perdu : spiritualité, activisme, agressivité et créativité. Le label Strata East crée en 1971 par le trompettiste Charles Tolliver propose de nombreux disque de cette valeur, et même s’ils commencent à être réédités, il n’en demeure pas moins qu’ils restent difficile à trouver dans les rayons des disquaires classiques, optez plutôt pour les petites boutiques et leurs bacs vinyles.

Thomas Delafosse, avril 2005.