Avec Amandine Bontemps
La musique coupe des têtes depuis toujours. C’est parce qu’il y avait des musiciens que Salomé a dansé. C’est parce qu’elle a dansé que Jean-Baptiste est mort. C’est encore la musique qui a décapité Orphée, lui qui aimait Eurydice tuée par un serpent. Orphée jouait de la lyre, il est descendu sous terre, là où coule le Styx, il a joué pour les ombres, couchant le Cerbère et ses trois gueules et tout le peuple des enfers. Pourtant, alors qu’il remontait à la surface, ramenant dans son dos son amour, contre les conditions d’Hadès, le dieu des enfers, il se retourna et Eurydice mourut une seconde fois. Il pleura si fort que ses sanglots ameutèrent les Bacchantes, il les repoussa hurlant le nom de sa bien-aimée et, froissée du mépris, elles le lacérèrent, abandonnant sa tête et sa lyre sur le lit d’un fleuve. On raconte que la tête d’Orphée posée sur la lyre continua de chanter, emportée par le courant. Sans parler de décapitation, il y a un mystère quasi-divin dans la naissance de la mélodie – au commencement une friction, celle des cordes vocales, celle du doigt ou du marteau sur les cordes et à la fin les têtes qui tournent, hypnotisées.
Bienvenue dans La Midinale, Orphée ne nous racontera pas son histoire aujourd’hui, en revanche Amandine Bontemps le fera – elle est mon invitée du jour et pour cause, le lyrisme ça la connaît ! Elle est entre autres chanteuse lyrique, soprano, soliste et choriste. Je dis entre autres puisqu’elle est aussi autrice, compositrice et comédienne. Bonjour Amandine Bontemps.
“Préhistoire, archaïsme de la musique en nous. L’oreille a précédé la voix, des mois durant. Le gazouillis, le chantonnement, le cri, la voix sont venus sur nous des mois et des saisons avant la langue articulée et à peu près sensée. C’était la première mue.”
Ce sont les mots de l’auteur et essayiste Pascal Quignard dans “La leçon de musique”. “Que recherchez-vous, Monsieur, dans la musique ? Je cherche les regrets et les pleurs.” – peut-on lire ailleurs entre ces pages. Nostalgie des origines chez Quignard, la musique a précédé les mots, elle est le rappel d’une vie utérine, le vagissement averbal, notre premier canal de perception. Ce qui explique sans doute, sa réception universelle, charnelle, instinctive.
Merci Amandine Bontemps d’avoir accepté mon invitation ; votre album est en vente sur le site du label Anima Mostra. Pour suivre votre travail : un site internet, mais également une page facebook, instagram et une chaîne youtube.
– Alice Baylac
dans La Midinale, saison 2021-2022.