Avec Clémentine Lévêque
Dans son article “Orientation vers une phénoménologie transépédégouine” traduit en français et disponible sur le site Internet Trou noir, Sarah Ahmed, dont la théorie est familière du mobilier d’intérieur, nous invite à penser la table comme espace de l’agir. La table ou le bureau, artefact du ou de la philosophe, objet investi par les codes et les affects, lieu de départ du déploiement de la pensée et de la perception, véhicule des idées formulées à destination des autres, point d’ancrage et de condensation d’une corporéité attablée qui s’étudie et se regarde faire. Un corps, une table, un espace, une conscience. Merleau Ponty qui ne pense pas le corps comme simple objet, mais comme notre point de vue sur le monde, l’indique donc comme point de départ. Il dira également qu’être corps, c’est être noué à un certain monde. Rebelote, le corps comme point de départ et comme point de liaison. Des corps qui partent, qui transitent, vieillissent, transitionnent, s’exilent, traversent, trépassent. Des corps qui ne se retourneront plus sur les objets du vieux monde, mais qui se rendent à eux même comme possible endroit du renouveau. Un corps qui se dérobe au regard des autres, mais qui s’offre à lui-même un miroir où hommage et utopie transgressent le temps linéaire. Un corps qui nous tourne le dos face à sa table de travail, de création, de réparation, de dissection dans une performance qui s’époumone, sans voix et sans jamais perdre le souffle.
C’est bien de la performance de Jenny Charreton intitulée “Dans mon dessin – anatomie des transitions”, dont nous allons parler dans La Midinale et plus largement du travail de recherche du collectif indisciplinaire Offense. Et pour ce, j’ai le plaisir d’accueillir Clémentine Lévêque. Bonjour Clémentine.
Je terminerai en empruntant les mots de Sarah Ahmed dans l’article précédemment cité en début d’émission et qui apportera un nouvel angle de vue sur la question du départ : Que signifie “être orienté·e” ? Comment peut-on trouver son chemin dans le monde ? Comment s’orienter dans un monde si instable qu’au moindre virage il ne cesse de changer d’aspect ? Savoir où l’on en est (même après un virage), voilà ce que signifie être orienté·e. C’est avoir ses repères. C’est savoir comment se rendre d’un lieu à un autre.
Mais s’orienter, ce n’est pas seulement savoir où l’on est : c’est aussi avoir une orientation, une inclination pour certains objets. Des objets qui précisément nous aident à nous orienter, des objets dans lesquels nous nous reconnaissons, des objets dont la fréquentation détermine notre orientation. Ces objets se rencontrent dans notre environnement et ils constituent l’environnement au sein duquel nous pouvons nous rencontrer les un·e·s les autres. Cela pose la question de savoir : comment suis-je affecté·e par mes orientations envers telle ou telle chose ? ». Merci Clémentine Lévêque d’être venue dans le studio de Campus FM.
– Alice Baylac
dans La Midinale, saison 2021-2022.
Plus d’infos :
www.collectifoffense.com/