Avec Delphine Lebreton
Le concept même de marchandise vise à produire une sorte d’amnésie du consommateur ou de la consommatrice. De la même façon que le gigot dans mon assiette se doit de ne surtout pas évoquer à mes yeux cet adorable agneau qui trottine maladroitement derrière sa mère avec ses adorables boucles de laine banches – la table sur laquelle je mange chaque jour a perdu, elle aussi, la mémoire de l’arbre dont elle est issue. Dans ce contexte, personne ne rend hommage ni à l’agneau, ni à l’arbre et cela évite de prendre ses responsabilités vis à vis de ses réflexes d’enfant biberonné à la société de consommation – de performer le grand mythe des ressources illimitées, où tout m’est dû et je n’ai qu’à tendre la main et à me servir (ou cliquer en ligne et attendre qu’on me serve). Chaque étape qui a conduit l’agneau et l’arbre à passer de matière première et vivante à produit transformé et mort est consciencieusement invisibilisée et passée sous silence. Comment réengager de soi dans le rapport au monde, à la terre, ses ressources, s’inscrire dans une écologie du vivant, dans une démarche respectueuse et consciente des désastres écologiques et humains que produit le capitalisme ? D’une part en soutenant des projets qui font sens et d’autre part en privilégiant le fait main, le recyclage et le local.
C’est dans cette perspective et dans la lignée du mouvement Do it Yourself qu’est né L’atelier des bricoleurs, un espace partagé et dédié aux pratiques manuelles et artisanales. Un espace de transmissions aussi. Et pour en parler, avec nous ce midi sur Campus FM, j’ai le plaisir de recevoir Delphine Lebreton.
Le 11 janvier 1902, le premier numéro du “Popular Mechanics Magazine” voit le jour aux États-Unis à l’initiative de H. H. Windsor. Ce mensuel, consacré à la science et à la technologie, vise à transmettre et maintenir à jour des compétences techniques et pratiques à destination d’un lectorat souvent isolé en zones rurales ou semi-rural, autonome ou en auto-gestion sur des fermes et ou des villages. Doucement, le courant Do It Yourself prend forme jusqu’à irriguer les jeunes esprits, rebelles, étudiants, anar et écolos dans les années 70 – Les zines et les manuels auto-édités fleurissent de par le monde, de l’Amérique latine à la France en passant par l’Afrique du Sud.
Aussi dans un numéro français daté 1949 de Mécanique Populaire peut-on lire dans le sommaire les titres d’articles suivants : “Construisez un bateau sur glace“ ou bien “L’ameublement de votre salle à manger (partie 2)”. Aujourd’hui, internet a pulvérisé le DIY dans une autre dimension, multipliant les chaînes aux contenus ultras spécifiques et les blogs dédiés. Il ne faut néanmoins pas oublier que le collectif est encore la version qui fait le plus sens dans le cadre d’une pensée anticapitaliste et écologique – faire ensemble, apprendre ensemble et transmettre ses savoirs.
À l’image donc de L’Atelier des bricoleurs et des Imbriqués dont on ne peut que saluer le travail et l’engagement ! Merci Delphine Lebreton pour votre présence dans le studio. Cette émission est à retrouver en replay sur le site www.campusfm.net.
– Alice Baylac
dans La Midinale, saison 2021-2022.
Plus d’infos :
www.atelier-des-bricoleurs.net/