Avec Marion Vian & Margo Tamizé
Nous avons une fâcheuse tendance à croire que la modernité a tout inventé ! Mais peut-on dire que le théâtre de rue est vraiment né en 68, pris dans les manifestations étudiantes et populaires, perfusé.es d’idéaux humanistes et révolutionnaires ? N’y avait-il rien de semblable avant que le théâtre de l’Unité ne prenne d’assaut les usines et les lycées occupés ? Certes, il ne s’agit pas spécifiquement de la forme théâtre, mais rendons néanmoins hommage aux saltimbanques – contraction de l’expression italienne : “saltare in banco“ (sauter sur une estrade) ! Un mot qui porte encore aujourd’hui la trace du stigmate, utilisé à des fins injurieuses pour parler de ceux-là et celle-là qui prolongent la tradition en batelant dans la rue, en alpaguant le chaland, des sortes d’artistes le cœur ouvert à l’inconnu.
Et si l’on tente de resserrer encore géographiquement nos investigations autour de Toulouse, souvenons-nous des troubadours et des trobairitz qui dès le 6e siècle en Occitanie participèrent activement à la vie sociale et politique en composant des chants populaires interprétés par des ménestrels et des jongleurs. Il n’est pas étonnant en se plongeant dans l’histoire de découvrir que l’expression artistique fut de tout temps et probablement en tout lieu intimement reliée à la rue et à l’espace public – haut lieu de rencontre et d’échange des citoyens qui composent la cité. Ne pourrait-on pas même avancer que l’art tire sa nature de cette situation urbaine, sociale et politique ? Pour prolonger cette discussion thématique, j’ai le plaisir d’accueillir Marion Vian, co-directrice et Margo Tamizé, chargée de communication et des relations publiques du centre national des arts de la rue et de l’espace public en Haute Garonne – j’ai nommé Pronomade(s).
Après avoir parlé de théâtre de rue ou des arts de l’espace public, on peut étendre le domaine terminologique à l’art in situ et à l’art in vivo – à l’art sur place et dans l’organisme. Une forme d’expression artistique qui n’a de cesse d’interroger comment le lieu affecte l’expérience, comment le corps urbain se noue au corps humain dans une co-création quasi symbiotique. Force est de constater que depuis l’expression célébrée de l’artiste Bruno Schnebelin qui invite à jouer dehors “car il fait froid à l’intérieur”, les institutions culturelles ont dû s’adapter à ce qui fait boucle dans l’histoire et ramène l’art dans la rue, la polis dans la cité. Même les théâtres, les salles de concerts, les centres chorégraphiques qui ne sont pas labellisés arts publics ont progressivement parsemé leur programmation de propositions hors les murs, ont rompu le quatrième mur, déserté un temps la boite noire pour déferler dans les rues, les parcs, les cafés, les loges, les sous-sols, les habitations… Merci Marion Vian et Margo Tamizé pour votre présence dans le studio de Campus FM.
– Alice Baylac
dans La Midinale, saison 2021-2022.
Plus d’infos :
www.pronomades.org/