Run The Jewels : RTJ2 (Mass Appeal 2014)

freddie-gibbs-madlib-pinata_1         El-P et Killer Mike remettent le couvert grassement, histoire de donner du grain à moudre au plus gastronome d’entre vous. La fine équipe, non content d’avoir conquis les foules et la presse une première fois, reviennent plus remontée que jamais dans ce casse du siècle façon Atlanto-New-yorkaise. Une revisite qui n’a rien de la contrefaçon bâclée car l’art et la manière font ici bon ménage. Il faut dire que depuis 2012 nos deux comparses font la paire et associent flow et production comme peu dans le rap jeu moderne. Hors de toute zone de confort El productor à pris la bonne habitude de sortir des sentiers battus et œuvre en sous marin, Marlboro à la bouche et microphone à la ceinture.

Disque décomplexé par excellence, nos deux têtes pensantes frappent fort dès le début du disque, à grand renfort de dizaine de nappes de clavier sur la table d’abondance. L’ex-Company Flow livre ici son travail le plus accessible et le plus complexe à la fois. Structures et textures s’entremêlent dans une alchimie abyssale. Vu mètre dans le rouge, sonorités abrasives et beats métalliques pour une recette gagnantes depuis 1992. Bien évidemment, limiter ce nouvel effort à sa seule qualité de production serait une fâcheuse erreur. La paire enchaîne les punchline comme pas deux. Aussi percutantes que les coups de caisse claire, El et Mike dénoncent et mettent à mal les mœurs et dérives d’une société américaine en perte de vitesse. Référencé de bout en bout, ce Run The Jewels, deuxième du nom, lance quelques bouteilles et odes à une époque révolue mais définitivement inscrite dans le patrimoine génétique des deux hommes. N.W.A, Public Ennemy, Geto Boys ou encore Goodie Mob font régner leurs spectres sur ce disque par moment à rebrousse temps, pour ne pas citer Philip K. Dick.

Au final, cette nouvelle collaboration donne lieu à beaucoup de fraicheur dans un paysage qui en manque parfois un peu. Sans parler de suite de classiques, RT2 tient ses promesses et montre deux quarantenaires dans la force de l’âge prêt à en découdre avec leurs pairs. Un disque robuste qui brisera pas mal de cou.

Joël Roblochon***